INITIATION A LA SOCIOLOGIE  

Plan

I. La démarche scientifique de la sociologie   
II.  Les pères fondateurs de la sociologie  

   
A. L'objectivisme d'Emile DURKHEIM  
   
    
1. Déjouer le piège du "sens commun"
   
    
2. Définir et expliquer le "fait social"  
        3. Le suicide: un fait social analysé au 19ème siècle par E. DURKHEIM 

    B. La sociologie compréhensive de Max WEBER    

III. Les postures méthodologiques ( ou épistémologiques )  
   
A. Le holisme  
   
B.  L’individualisme méthodologique ( IM )  
   
C.  La prise en compte de la contrainte des structures et du jeu des acteurs   

Introduction

La sociologie comme toute science, s’est constituée à partir du refus d’expliquer chaque phénomène, à l’aide d’une cause extérieure que l’on nommait Dieu. Elle peut se définir de prime abord comme la "science des phénomènes sociaux, des mécanismes qui président à leur déroulement ou encore des comportements des individus en tant qu'acteurs sociaux" ( Cf. C-D ECHAUDEMAISON  Dictionnaire d'économie et   de sciences sociales  Nathan  1997 ). Elle a pour but d’expliquer le social, par le social.
Si le terme de « sociologie »  a été inventé par Auguste COMTE ( 1798-1857 ), en 1839 précisément, en revanche la sociologie en tant que discipline à part entière remonte aux travaux d’Emile DURKHEIM ( 1858 - 1917 ), et de l'allemand Max WEBER ( 1864-1920 ). 

I. La démarche scientifique de la sociologie 

La science ( du latin scientia, de scire, savoir ) est une activité par laquelle l'être humain tente de comprendre le monde et la nature des choses, tels qu'ils sont ( et non pas tels qu'il aimerait qu'ils soient ), à partir des données fournies par l'observation et l'expérience. Elle est à ce titre, certes un ensemble de connaissances, mais aussi un processus et une éthique ( promotion des valeurs d'universalité, de neutralité...).
Pour ce faire, elle doit adopter une démarche rigoureuse, véritable "course à obstacles" selon G. BACHELARD d'où ressortent 3 étapes fondamentales : celle de la distanciation, celle de la formalisation et celle de la vérification. 

L'acmé de cette conception « classique » de la science se trouve dans la parabole du démon de LAPLACE qui pose la possibilité de principes, de prévisibilité du cours des choses.
La parabole du démon de LAPLACE                                                                    

L’ambition de la sociologie est donc de rendre compréhensibles des phénomènes sociaux apparents ou non. Cependant, la réalité sociale ne se laisse pas facilement identifier et interpréter ( ex : analyse des grèves de décembre 1995 ). Pour rendre compte de cette réalité, le sociologue utilise des méthodes communes avec d’autres sciences sociales ( droit, sciences politiques, ethnologie…) et humaines ( histoire, géographie, philosophie ..).
Ces méthodes sont aussi bien quantitatives ( les séries statistiques : méthode des quotas, méthode aléatoire…
à partir de régularités statistiques, de corrélations entre deux variables, le sociologue peut énoncer par exemple des lois tendancielles pour la société ou le groupe étudié  ), que qualitatives ( recherche documentaire, questionnaire, entretien personnel, observation directe ( in situ ) ou participante.... 

A partir de ces travaux, le sociologue dévoile "le sens caché" des phénomènes sociaux. 

    La "querelle des méthodes" en Allemagne à la fin du 19ème siècle. 

II.  Les pères fondateurs de la sociologie

A. L'objectivisme d'Emile DURKHEIM

Dans Les règles de la méthode sociologique ( 1895 ) DURKHEIM explicite la méthodologie de sa sociologie empirique naissante, qui se rapproche des sciences de la nature ( méthode comparative basée sur l'utilisation des statistiques ).

1. Déjouer le piège du "sens commun"

Pour DURKHEIM, lors d’une analyse sociologique rigoureuse, le sociologue doit faire abstraction des « prénotions » que l'on retrouve dans le « sens commun » et qui sont autant de préjugés à détruire.

 Qu'est-ce qu'une "prénotion" ?

Travail sur l'enquête du sociologue Paul LAZARSFELD, auprès des soldats américains stationnés en Allemagne, après la deuxième guerre mondiale.

Travail sur l'adage « nous sommes tous égaux devant la mort » grâce à des tableaux statistiques de l'INSEE.

     Tout concourt à prouver que le sens commun, est bien l’ennemi d’une démarche scientifique rigoureuse. Le travail du sociologue consistera donc à s’ôter ses propres prénotions, en s’extrayant de lui-même pour mieux analyser les faits sociaux comme des choses.

2. Définir et expliquer le "fait social"

- Sont des faits sociaux " des manières d'agir, de penser, et de sentir qui présentent cette remarquable propriété qu’elles existent en dehors des consciences individuelles. Non seulement, ces types de conduites ou de pensées sont extérieurs à l'individu mais ils sont doués d'une puissance impérative et coercitive, en vertu de laquelle ils s'imposent à lui, qu'il le veuille ou non".
  
                        Emile DURKHEIM 
Les règles de la méthode sociologique ( RMS )  PUF 1986  p. 4

             En somme, les faits sociaux sont contraignants et extérieurs aux individus. Ils existent avant la naissance de l'individu et lui survivent après sa mort ( exemples de faits sociaux : le suicide, la famille nucléaire, la pratique religieuse, une conduite collective comme l’omerta ( loi du silence )…etc). Cette notion de contrainte est ambivalente "car en même temps que les institutions s'imposent à nous, nous y tenons" ( la société nous contraint mais ce faisant nous soutient ). 

- Il est fondamental "de considérer les faits sociaux comme des choses" ( RMS p 15 ) ; " est chose, en effet, tout ce qui est donné, tout ce qui s’offre, ou plutôt s’impose à l’observation " ( p 27 )."Il nous faut considérer les phénomènes sociaux en eux-mêmes, détachés des sujets conscients qui se les représentent ; il faut les étudier du dehors comme des choses extérieures ; car c'est en cette qualité qu'ils se présentent à nous" ( p28 ).

Selon DURKHEIM, il est donc nécessaire d'avoir une certaine "attitude mentale" vis à vis de ces faits sociaux, dont les causes et les propriétés ne peuvent être découvertes par l'introspection ( démarche équivalente à un physicien ). 

Un fait social présente des caractéristiques précises objectives ( constance, régularité, existence propre ) mises en lumière grâce à la méthode comparative qui consiste à remplacer l'expérience ( propre aux sciences de la nature ) par la découverte (  via la statistique ) de faits cruciaux dont on pourra induire des lois valables pour des sociétés appartenant à un même type social.

De plus, un fait social ne peut être expliqué que par d’autres faits sociaux ( et non par des motivations psychologiques ).

Chaque fait social est enraciné dans un milieu, une époque et évolue en fonction des changements de ce milieu ( exemple: la transformation de la famille, déclin des valeurs religieuses...). Marcel MAUSS parlera de "fait social total".

    Travail de sociologue sur la classe à partir d'un questionnaire, avec comme ligne directrice la question suivante : est-on libre de son choix amoureux ??????
Outil
: questionnaire sur le choix du conjoint.
Population enquêtée
: la classe.
But recherché
: mettre à jour les facteurs qui déterminent le choix du conjoint.

Commentaire des réponses au questionnaire  et conclusions à en tirer en fonction des tableaux de l'INSEE prouvant l'existence de l'homogamie sociale. Quid de la contrainte sociale ?? 

3. Le suicide: un fait social analysé au 19ème siècle par E. DURKHEIM 

E. DURKHEIM va dans  Le suicide  ( 1897 ), démontrer par l'analyse de séries statistiques, que le suicide ne peut en aucun cas se réduire à un événement psychologique et individuel. Il s'agit d'un fait social aux dimensions collectives, qu'il définira de la manière suivante "On appelle suicide tout cas de mort qui résulte directement ou indirectement d'un acte positif ou négatif, accompli par la victime elle-même et qu'elle savait devoir produire ce résultat"                  Emile DURKHEIM  Le suicide  PUF 1985  p 5.

Constat de DURKHEIM.

Pour expliquer le suicide DURKHEIM en construit une typologie 

   Travail sur la typologie des suicides de DURKHEIM.

    Pour DURKHEIM, les causes du suicide sont à rechercher dans les formes du déséquilibre du lien social qualifié « d’anomie » ( de a- privatif du grec nomos loi ). Cette dernière est "le mal de l'infini" : elle apparaît lorsque les désirs des individus ne rencontrent plus de limites. Autrement dit, plus les facteurs de cohésion et d'intégration d'un groupe ou d'une société seront forts, moins les suicides seront nombreux. Ainsi, selon lui à son époque, « la famille protège et la misère protège ».  

    L'analyse de DURKHEIM, reste, de nos jours encore, très perspicace ; quelques aspects ont toutefois évolué. Le suicide est aujourd’hui plutôt rural, il frappe désormais les couches sociales les plus démunies, et on peut noter une recrudescence du suicide des jeunes depuis 20-25 ans. Cf  Christian BAUDELOT et Roger ESTABLET. 

    Le but que DURKHEIM assigne in fine à la sociologie est de créer une connaissance scientifique des sociétés et des êtres humains apte à bâtir une nouvelle morale civique et séculière, digne de corriger les mœurs et  de soigner les "pathologies" des sociétés occidentales ( idée de réforme sociale ). 

B. La sociologie compréhensive de Max WEBER

Pour Max WEBER, l'histoire est  fondamentalement indéterminée car la réalité est infiniment complexe ( Cf. E. KANT ). La science ne peut donc rendre compte que d'une partie du réel. Pour décoder le social, il est nécessaire de comprendre l'action des hommes du point de vue de leur subjectivité et de leurs valeurs  ( en se plaçant du point de vue de l'acteur tout en gardant ses distances ( "il n'est pas besoin d'être César pour comprendre César" ) ).

Il écrit ainsi : le but de la sociologie est de "comprendre par interprétation l'activité sociale et par là d'expliquer causalement son déroulement et ses effet. Nous entendons par "activité" un comportement humain […] quand et pour autant que l'agent ou les agents lui communiquent un sens subjectif. Et par activité "sociale", l'activité qui, d'après son sens visé par l'agent ou les agents se rapporte au comportement d'autrui, par rapport auquel, s'oriente son déroulement".
  
                                                                                  
M. WEBER  Economie et société  Plon  1971  p 4.
 

    Il se place dans une perspective individualiste a priori ; affirmant au début du siècle "si je suis devenu sociologue ( comme l'indique mon arrêté de nomination ), c'est essentiellement pour mettre un point final à ces exercices à base de concepts collectifs dont le spectre rôde toujours. En d'autres termes, la sociologie, elle aussi, ne peut procéder que des actions d'un, de quelques, ou de nombreux individus séparés. C'est pourquoi, elle se doit d'adopter des méthodes strictement "individualistes" ".
   
        Extrait d'une lettre de M. WEBER à R. LIEFMAN, 9 Mars 1920 mis en exergue dans R. BOUDON et F. BOURRICAUD  Dictionnaire critique de la sociologie   PUF  1994.
 
Il faut toutefois souligner que la vision d'un WEBER unilatéralement individualiste est loin de faire l'unanimité en sociologie.
 

Travail sur la sociologie de WEBER : idéal-type, imputation causale, neutralité axiologique…

Les autres grands fondateurs : G. SIMMEL, A. DE TOCQUEVILLE…  

III. Les postures méthodologiques ( ou épistémologiques )

   En sociologie, deux démarches a priori antinomiques s’opposent.

A. Le holisme

    Les partisans du holisme ( du grec holos : qui forme un tout ) privilégient le tout sur les parties et mettent en avant une vision globalisante de la société. Pour cette démarche, tout fait social ou culturel est d'une nature différente des éléments qui le composent. Il existe donc une logique sociale qui domine l’individu et  le détermine mais celui-ci, n'en est pas conscient. L'objet de la sociologie est donc de trouver les grandes lois de portée générale expliquant le fonctionnement objectif de la société.

 En privilégiant le tout sur les parties, cette théorie explique que l'individu est le produit de la société, de la structure ; le choix individuel n'existe pas. L'individu n’est qu'un pion, une marionnette soumis aux lois supérieures du social. 

Travail sur les structures et  contraintes qui s'imposent à l'individu à l'échelle d'une vie.

     La société a ses propres lois qui précèdent l'individu qui vient de naître et s'imposent à lui, de facto ( la pièce de théâtre est écrite à l'avance ).
  
On peut reprocher à cette perspective de nier la conscience individuelle de l'acteur et sa marge d'autonomie par rapport à sa socialisation, sa culture etc.

B.  L’individualisme méthodologique ( IM )

Les partisans de l'individualisme méthodologique expliquent, que tout phénomène social est la résultante des stratégies personnelles, mises au point par l’individu pour répondre à ses motivations. Il convient de retrouver lesdites motivations afin de les expliquer et de les rendre cohérentes ( WEBER : sociologie « compréhensive » ). L'objet de la sociologie est donc, de rechercher le sens de l'action.
    Dans cette optique, le tout ( la société ) n’est que la somme des parties ( les individus ), à travers des phénomènes "d’émergence et d’agrégation" ( R. BOUDON ). Ces "effets de composition" sont qualifiés "d'effets pervers" dès lors qu'ils sont non désirés et contraires aux visées des acteurs.

   Trouver des "effets pervers" dans notre société. 

La base de la sociologie est donc l’individu ; il est conçu comme un être de raison ( libéré de ses instincts ), qui n'agit que par intérêt. Conscient des contraintes du monde social, il cherche par des calculs "coût-avantage" à optimiser son utilité, c'est à dire selon l'optique utilitariste à maximiser ses plaisirs et minimiser ses peines ( cf : J. BENTHAM ) : ce comportement égoïste est qualifié de "rationnel" ( G. BECKER prix Nobel d'économie 1992 ).

Les théories de "l'action rationnelle" ( Rational Action Theory ), sont un simple décalque de l'approche microéconomique néoclassique. R. BOUDON s'en distingue quelque peu puisqu'il considère que la rationalité des individus est "située", c'est à dire "limitée" ( cf. H. SIMON ) et extensive ( élargie aux "bonnes raisons" que peuvent invoquer les acteurs ). 

Faire des "calculs rationnels" dans les situations proposées.

La quintessence de la rationalité est le comportement du "free rider" ou passager clandestin, qui consiste à profiter des avantages sans subir les coûts. 

   Chercher des exemples de comportements de "free rider" dans la vie quotidienne. 

Cependant, si tout le monde se comporte selon la rationalité pure, cela conduit à l'altération voire à la destruction de la collectivité ( V. PARETO ).

Jeu de rôles : "le dilemme du prisonnier" 

Petit bémol à apporter concernant cette dichotomie primaire entre IM et holisme. 

C.  La prise en compte de la contrainte des structures et du jeu des acteurs 

N. ELIAS ( 1897-1990 ), refuse d'envisager l'individu comme s'il existait en soi et la société comme "un objet existant au delà de l'être humain". Il renvoie dos à dos, l'IM et le holisme. Le concept de "configuration", permet de dépasser l'antinomie individu/société : une configuration est une formation sociale dont la taille peut-être variable ( joueurs d'une partie de cartes, classe scolaire, une ville, une Nation…), où les individus sont liés les uns aux autres par un mode spécifique de dépendances réciproques et dont la reproduction suppose un équilibre mobile des tensions. Autrement dit, la liberté de l'individu est inscrite dans la chaîne d'interdépendances qui le lie aux autres hommes et qui limite ce qu'il peut décider ou faire. La vie sociale peut-être comparée à un échiquier "toute action (…) représente un coup sur l'échiquier social, qui déclenche infailliblement un contrecoup d'un autre individu".

Travail sur un exemple de configuration : une partie de football. 

Pierre BOURDIEU ( 1930- ), professeur au collège de France, va lui aussi développer une analyse visant à dépasser la dichotomie holisme-IM. Il estime que les structures sociales influencent les comportements individuels, mais que l'agent demeure toutefois acteur . Il va développer ainsi le concept « d'habitus »( cf. dictionnaire de SES ), comme « intériorisation de l’extériorité ».( P ANSART ). 

Travail sur la sociologie de BOURDIEU : champs, habitus, capitaux culturels, sociaux, sens pratique… 

E. GOFFMAN ( 1922-1982 ), sociologue canadien d'origine, interactionniste symbolique est un analyste de la dramaturgie quotidienne. Il démontre selon une optique microsociologique, que toute interaction correspond à un rituel social ( quasi théâtral ) dont l'individu connaît intrinsèquement les tenants et les aboutissants ; en particulier les règles contraignantes auxquelles il doit s'assujettir pour assurer la pérennité et la fluidité du monde social. 

Analyse du cas GOFFMAN : l'exemple d'un rituel ultra-codifié : la conversation. 

Exercice récapitulatif sur les perspectives holistes et individualistes, basé sur un jeu de rôle.

Réflexion sur la sociologie américaine ( l'école de CHICAGO,  le culturalisme…) et quelques autres courants de pensée.

  

Boutade de J. DUESENBERRY « l’économie n’est pas autre chose que l’étude de la façon dont les gens font des choix ; la sociologie n’est rien d’autre que l’étude de la façon dont ils s’arrangent pour ne pas avoir de choix à faire ».   
   
     J-P. DUPUY       
Introduction aux sciences sociales        Ellipses  1992  

 

  Retour Menu de première

A. MEUNIER © Copyright. Tous droits réservés

meunier.ses@netcourrier.com