Section
2 : le contrôle social
I.
Les contours du contrôle social
A.
Du contrôle social…
B. …à la régulation
sociale
II. Une déviance polymorphe
A. Conformité, déviance, délinquance,
criminalité
1. Définitions rigoureuses
2. L'analyse générique de R. K MERTON
B. Explications générales de la
criminalité
1. Les théories "explicatives" de la criminalité
a. L'anomie
b. Les associations délinquantes et la sous-culture criminelle
2. Le paradigme de l'acte criminel
C. La réaction sociale face à la délinquance
1. La stigmatisation
2. L'évolution de la sanction : de l'extérieur vers l'intérieur
III. La fonction sociale de la déviance
Section 2. Le contrôle social
I.
les contours du contrôle social
A
l'origine, le terme de contrôle social ( en anglais "contrôle"
a un sens positif, il signifie "maîtrise" ) désignait
l'ensemble des mécanismes qui permettaient à une société de maintenir une
relative cohésion sociale ( cf. E. ROSS à la fin du 19ème
siècle ) : il englobait en particulier le processus de socialisation. Les
travaux de l'école de Chicago, dans les années 20 ( R. PARK et E.
BURGESS ), vont s'appuyer sur cette conception du contrôle social pour
leurs objets d'étude : délinquance dans les grandes villes, des immigrés de
la 2nde génération…
Cette
conception extensive du contrôle social a cédé la place à une conception
plus restrictive à partir des années 50, avec les travaux de T. PARSONS,
qui définit le contrôle social comme l'ensemble des moyens (
sanctions positives et négatives
) utilisés par une société, pour prévenir et corriger les comportements déviants
( aspect complémentaire de la socialisation ).
Travail sur les types de contrôle
social et les formes de solidarité. Cf. E. DURKHEIM, F. TÖNNIES…
Analyse de la logique de "l'honneur" et plus
particulièrement de la forme extrême du "point d'honneur"
Cf. François
BILLACOIS "Flambée
baroque et braises classiques" in L'honneur
Revue Autrement N°3 Mars 1991
pp 72-74
Le contrôle social externe ( sanctions de l'extérieur ) est
couplé à un contrôle social interne, ou "autocontrôle"
qui prend dans notre société une importance croissante avec le "processus
de civilisation". N. ELIAS
( cf. La civilisation des mœurs,
La dynamique de l'occident , La société de Cour) montre ainsi
avec brio, que le moindre geste s'intègre dans une évolution qui tend vers un
contrôle intime des émotions et des manières : rires, pleurs mais aussi dans
un registre moins poétique, rots et autres.
Cette maîtrise structure chez l'individu une nouvelle économie psychique, qui
élargit un espace mental basé sur les intériorités personnelles, socle de la
modernité. Les contraintes physiques extérieures peuvent être remplacées par
des modalités plus souples dès lors que les individus sont capables
d'incorporer l'autocontrainte
et que celle-ci se transforme en automatisme personnel.
Travail
sur le pyjama, et sur la plage comme scène sociale.
Travail sur la société de Cour vu par
N. ELIAS.
Référence
: voir le film de Patrice LECONTE Ridicule.
Pour J-D.
REYNAUD dans Les règles du jeu, la régulation sociale
correspond à l'ensemble des processus d'élaboration, de transformation ou de
suppression des règles. A la différence de
DURKHEIM, ou des fonctionnalistes, les normes ne seraient pas
l'expression d'une conscience collective. L'activité de régulation loin
d'être consensuelle, est un compromis ou une accommodation entre groupes
rivaux. Constitutive des rapports sociaux, elle devient alors un enjeu, qui peut
aboutir au contrat ou au conflit. Les normes
sont donc mouvantes, en permanence renégociées et renégociables.
La régulation
sociale doit permettre in fine, un fonctionnement correct de la société
: coexistence pacifique, réduction des conflits, adaptation au
changement…Cette définition se rapproche en cela, de la définition du contrôle
social des origines.
A. Conformité, déviance, délinquance
1. Définitions rigoureuses
Produit du social, du groupe, la norme créé le
"normal" ( le conforme ) et "l'anormal"
( privé de norme au sens littéral ). En rentrant dans ce dernier cadre, la déviance
se définit comme un écart durable par rapport aux normes établies
socialement.
Elle peut être positive ( un héros ou un saint, qui de par son
comportement s'écarte de l'attitude du commun des mortels ) ou négative :
transgression des normes vers "le bas" ( voyous...). La
sociologie se focalise la plupart du temps sur cette dernière dimension du phénomène,
qui n'en demeure pas moins extrêmement large.
Par ordre croissant de divergence vis à vis de la norme, on trouve différents types de déviance :
- la variance : comportement qui bien que réprouvé par le
groupe est toléré par la loi ( fainéantise…).
Ensuite viennent des comportements déviants tombant sous le coup de la loi
( l'illégal ), c'est ce que les sociologues désignent dans une acception
large, par le terme de "crime" ou "criminalité"
( cette catégorie ne se limite donc pas aux crimes de sang qui représentent
une part infime des crimes et délits enregistrés annuellement par les
statistiques officielles ).
Le juriste, quant à lui, parlera d'"infraction",
là où le sociologue parlera de "crime" : ces infractions sont
classées par ordre croissant de gravité :
- les actes sanctionnés par des contraventions : ils
correspondent aux infractions les moins graves jugées par des tribunaux de
police.
- la délinquance: infraction à la loi recouvrant les actes de
violences volontaires ou non, et les atteintes à la propriété ; elle est jugée
par les tribunaux correctionnels et peut engendrer une peine de 10 ans
d'emprisonnement, ainsi que de fortes amendes.
- la criminalité : correspond aux infractions les plus graves (
crimes de sang, gangstérisme ) touchant aux bases même de la société. De
tels actes sont jugés par la cour d'assises. Les peines d'emprisonnement
peuvent aller jusqu'à la réclusion criminelle à perpétuité ( pour
les crimes de droit commun ) ou à la détention criminelle à perpétuité
( pour les infractions politiques ).
Quelques exemples de délits, crimes avec les sanctions
associées, en matière de stupéfiants :
Article
2 du Code
civil " Nul n'est censé ignorer la loi "
Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen
Article 6.
- "La loi
est l'expression de la volonté générale. Tous les citoyens ont droit de
concourir personnellement ou par leurs représentants à sa formation. Elle
doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse. Tous
les citoyens, étant égaux à ses yeux, sont également admissibles à
toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité et sans autre
distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents".
Délits |
Peines prévues |
Textes |
Usage illicite de stupéfiants |
Un an d'emprisonnement et |
Code de la santé publique : Art. L 268 |
Transport, détention, offre, cession, acquisition, emploi illicites
de stupéfiants ; facilitation de l'usage (ordonnance fictive ou de
complaisance) ; importation ou exportation |
Dix ans d'emprisonnement et |
Nouveau Code pénal |
Crimes |
Peines prévues |
Textes |
Importation et exportation en bande organisée |
Trente ans de réclusion criminelle et |
Nouveau code pénal : Art. 222-36, 2è alinéa |
Source : Délégation générale à la lutte contre la drogue et la
toxicomanie Décembre 1994
2. L'analyse
générique de R. K MERTON
Pour R. K MERTON ( fonctionnaliste ), l'individu va adopter différents
comportements pour s'adapter aux valeurs ( buts ) et normes ( moyens ) de la
société.
Moyens légitimes |
Buts valorisés par la société |
|
Conformisme | + | + |
Innovation | - | + |
Ritualisme | + | - |
Evasion | - | - |
Rébellion | +- | +- |
A côté du conformiste qui
s'en tient aux valeurs reconnues officiellement et qui utilise des méthodes
licites pour y parvenir, on trouve 4 types de déviants :
-
le
ritualiste
: il est davantage respectueux des normes sociales mais indifférent aux
valeurs.
-
l'innovateur
: il accepte les buts c'est à dire les fins, mais utilise des moyens réprouvés
ou du moins hétérodoxes.
-
le marginal : son mode d'adaptation est l'évasion : il se retire
du jeu, il fuit.
-
le
rebelle :
il n'accepte pas les règles prescrites et les combat ; c'est le refus.
Trouver des exemples de conformistes et
de déviants selon la typologie de MERTON.
Pour MERTON, la
déviance sera donc le résultat de la non concordance entre les buts
culturellement valorisés et les possibilités d'accès aux moyens légitimes
pour les atteindre.
Il
est à noter que la conformité n'est pas le conformisme.
B.
Explications générales de la délinquance
Travail sur la "normalité" du crime chez DURKHEIM.
A partir du cours sur la méthode sociologique, trouver le sens profond de
la pensée de cet auteur, quand il écrit les termes suivants.
1.
"Le crime est normal". p 67
2. "Le crime est donc nécessaire" et "utile" à la société.
p 70
E. DURKHEIM
Chapitre III. "Règles
relatives à la distinction du normal et du
pathologique" Les
règles de la méthode sociologique
1895
Quadrige
PUF 1986
22è édition
Dans cette optique, on peut parler de sociogénèse des faits de délinquance et de criminalité. Ceux-ci sont des produits de la société, du milieu ( en particulier de son dysfonctionnement )..
a. L'anomie
Selon
E. DURKHEIM, l' anomie ( de a : privatif et de nomos
: loi, règle ®
absence de règles ) , intervient lorsque les actions des individus ne sont plus
guidées par des normes suffisamment explicites et contraignantes. Dès lors,
l'individu est livré en pâture à une distorsion énorme entre :
Cet écart de fait,
provoque la frustration des intéressés et conduit à des vols, violences,
suicides, que l'on retrouve dans les périodes de dérèglement social que sont
les crises économiques mais aussi les périodes de boom.
Pour
MERTON, le crime ou la délinquance est le résultat d’un conflit entre
buts et moyens proposés par la société.
Aux États-Unis, la réussite sociale, l'argent, est un idéal partagé par
l’ensemble de la communauté mais difficile d’accès de manière légale
pour certains ( ex : natif du Bronx et autres quartiers pauvres ), d'où
l'emploi possible de procédés illicites pour enfin toucher du doigt "le
rêve américain".( redite )
Un
exemple d'anomie actuel : François DUBET a expliqué "la
galère" des jeunes des cités, soumis à une situation de désorganisation
sociale extrême : problèmes de famille, de contrôle social, échec scolaire,
absence de perspectives d'emploi. Cet ensemble mêlé à un sentiment
d'exclusion, et de mépris ou de racisme de la part de la société génère
"la rage" ( La haine pour Matthieu
KASSOWITZ ) qui peut générer de la violence collective contre les représentants
des institutions : police, bus, mais aussi l'habitat. La délinquance est le
produit de motivations diverses : volonté de rentrer dans la société de
consommation, jeu, ressentiment.
b. Les associations délinquantes et la sous-culture criminelle
Pour E.
SUTHERLAND, il existe des "associations différentielles"
obéissant à des règles strictes mais dont l'échelle de valeur est en
opposition avec la culture dominante ( conflit culturel lié à une
désorganisation sociale fruit d'une désintégration culturelle de ladite
société ).Celles-ci vont socialiser les individus, et présider à la
formation de la personnalité criminelle. Ainsi en va-t-il des gangsters. Les délits
condamnés par la société sont approuvés par des pairs ( ex : les
affranchis ) : on observe une structure des mérites, et des interactions
spécifiques entre les membres (
exemple: le gangster aspire à la réussite sociale avec son code de conduite
tout aussi exigeant que celui de la société : logique de "l'honneur",
la famille, le clan, l'omerta…) : c'est en ce sens une véritable sous-culture.
Les bandes d'adolescents sont aussi une forme d'association différentielle,
mais souvent les comportements délinquants se font dans un but non
professionnel et de façon non systématique ( pour un territoire, une cité…
).
c. Autres explications provenant du milieu pour expliquer la criminalité
Les sociologues de
l'école de Chicago dans les années 20 ont mis en évidence l’influence du
milieu sur la délinquance. Cette thématique est reprise de nos jours encore,
par nombre d'auteurs.
- La famille : la déstructuration de la famille ( divorces,
familles monoparentales ) a comme conséquence la perturbation du processus de
socialisation ( absence du père Þ rapport difficile à l'autorité, à la loi
).
- La mobilité géographique : elle fait imploser le système de
valeurs intériorisé par certains individus ( le paysan polonais de THOMAS
W. I et ZNANIECKI. F ).
- La personnalité : une personnalité immature, névrotique confrontée
à des échecs personnels ( licenciements, échec scolaire ) peut passer à
l’acte.
2. Le paradigme de l'acte criminel
Les auteurs appartenant à ce paradigme s'interrogent plutôt sur les circonstances qui permettent aux tendances criminelles de provoquer un passage à l'acte en s'appesantissant sur la prise de décision ( opportunité, rationalité, anticipation...). L'action apparaît in fine comme le fruit d'une stratégie rationnelle ( calcul coûts- avantages ) Cf. M. CUSSON.
C.
La réaction sociale face à la délinquance
1. la stigmatisation
Face à la transgression, la société ne reste pas inerte. Elle va stigmatiser
le délinquant ( le marquer au fer rouge de manière indélébile ). Cette
stigmatisation consiste à l’étiqueter comme personne malhonnête ou
dangereuse ( théorie du " label(l)ing " : H.
BECKER "le déviant est celui auquel cette étiquette a été
appliquée avec succès" ) mais aussi à l'exclure des liens sociaux à
titre réprobateur ou par crainte d’une récidive ( la sanction prononcée par
le tribunal est mentionnée sur le casier judiciaire de manière définitive
). Ceci n'est que la première séquence d'une spirale perverse prouvant que le
temps de la peine n'est pas le temps de la sanction.
Cet étiquetage contribue à son exclusion effective de la culture
dominante, mais aussi à lui faire intérioriser une image négative de lui-même,
qui le poussera vers des sous-cultures ou contre-cultures délinquantes où son
attitude sera valorisée. Ceci aura pour effet de multiplier les risques de récidive,
en creusant le fossé qui le sépare de la loi ( idée de "carrière
déviante" ).
Ainsi, subtilement selon le courant dit "interactionniste", la
déviance naît dans l'interaction ( interaction comme "façon
dont les individus cherchent à ajuster mutuellement leurs lignes d'actions sur
les actions des autres perçues ou attendues" H. S BECKER
ex : rencontres en "face à face" et autres.
"Nous devons considérer la déviance et les déviants, qui incarnent ce
concept abstrait, comme un résultat du processus d'interaction entre des
individus ou des groupes : les uns en poursuivant la satisfaction de leurs
propres intérêts, élaborent et font appliquer [ par le biais de divers
appareils idéologiques, et de divers agents : entrepreneurs de morales et
"grands stigmatisateurs" ] les normes sous le coup
desquelles tombent les autres qui, en poursuivant la satisfaction de leurs
propres intérêts [ qui sont divergents ] , ont commis des
actes que l'on qualifie de déviants".
H.S BECKER Outsiders ( 1963
) Métaillé 1985 p187.
Pour cette perspective, c'est donc le contrôle social ( fruit des normes produites par "les entrepreneurs de morale" ) qui va "créer" la criminalité, via le processus de stigmatisation. Cette thèse d'H. BECKER ( cf. Outsiders ), introduit la thématique de "domination", et met en relief l'idée que chaque individu est un déviant potentiel ( il suffit qu'un attribut physique, social…soit désigné comme non conforme, pour le devenir effectivement ). La criminalité est donc une construction sociale.
Réflexion sur la stigmatisation selon E. GOFFMAN.
Analyse du "graf" et du "tag" selon la perspective d'H. BECKER.
2. L'évolution de la sanction : de l'extérieur vers l'intérieur
Au cours du temps, la sanction, et la vision du
criminel ont évolué suivant une trajectoire bien précise.
Jadis considéré comme
un "monstre", d'une nature autre que l'homme "normal"
irrécupérable par essence, le criminel devait être sanctionné de manière
physique au moyen de différents sévices, supplices ( ex : Braveheart ) sur
"le modèle du rejet" ( cf. cours
sur la culture ) : incarcération
à vie, peine de mort, bannissement... la société rendait coup pour coup.
Réflexion sur la loi du talion de l'Ancien Testament " œil pour œil, dent pour dent ", sur le pur et l'impur comme principe de division sociale ( cf. tripartition fonctionnelle, ordres, castes...)..
Depuis le XVIIIe siècle et l'avènement de la philosophie humanitaire
des encyclopédistes ( sur le continent ) et des philosophies utilitaristes (
dans le monde anglo-saxon ), les criminels sont perçus et traités comme
des personnes "malades" qu'il convient de resocialiser (
travail des psychologues, médecins..) selon le "modèle de
l'ingestion".La sanction est de plus en plus restitutive ou réparatrice
: elle exige du coupable une compensation financière ( dommages et intérêts )
qui annule en partie les effets de l'acte délictueux. Elle est plus profonde et porte sur les valeurs intériorisées
( ex : E-U : dans certains Etats, travail sur la prise de conscience des
meurtriers ). Ceci renforce la cohésion
sociale et limite l'anomie.
En
définitive, la société agit avec Raison, et se situe au-dessus des
pulsions ( si elle rend les coups de la même façon que ceux qu'elle condamne ,
cela signifie qu'elle est de même nature ).
Réflexion sur la logique du Nouveau Testament et sur les idéaux révolutionnaires ( égalité.. ).
Dans cet ordre d'idée, la tendance était de privilégier la prévention
( contrôle social de proximité, animation socio-éducative, ilôtier…). Mais
de plus en plus, on assiste au retour en force de "la politique du bâton"
( cf. J. P CHEVENEMENT et les "sauvageons", la politique policière
de "zero tolerance" à New-York ).
D'un point de vue statistique, de nombreuses recherches ont mesuré
l’effet dissuasif des peines. La certitude d’être puni fait diminuer la fréquence
des passages à l’acte. En revanche, la relation entre la sévérité
des peines et le taux de criminalité n'est pas établie de façon formelle.
Travail sur les résultats de la politique de "zero
tolerance" à New-York.
III. La
fonction sociale de la déviance
La déviance est cosubstantielle à la norme et
par conséquent relative dans le temps et l'espace ; les comportements jugés
déviants à l'origine peuvent par la suite être progressivement acceptés par
le plus grand nombre et ou par la loi ( exemple : la cohabitation juvénile… ),
voire devenir la ( nouvelle ) norme ( ex : travail des femmes... ) ; et
inversement ( exemple : certaines drogues devenues prohibées ). De même, la déviance dépend du statut
de l'individu dans la structure sociale, des différentes cultures auxquelles il
adhère : elle est donc multiforme.
Le contrôle social parfait, fantasme des régimes totalitaires est donc
une pure illusion d'optique ( ex : ex-URSS, où malgré un contrôle social très
dur, la déviance était gigantesque : alcoolisme, marché noir…). Michel
CROZIER a ainsi démontré que les acteurs, même dans un système hyper
structuré et hiérarchisé comme l’appareil bureaucratique s’arrangent
toujours pour conserver une marge d'autonomie ( "zone d'incertitude"
).
La déviance est donc inévitable, et elle a pour le système une
fonction bien précise : elle permet le changement social. En effet, elle
conduit au cours du temps à un bouleversement de l'échelle des valeurs, qui
implique une modification des normes et de leur hiérarchie ( Ex :
quelques oeuvres majeures qui ont marqué un tournant décisif dans la science : I.
NEWTON (
1642-1727 ) Principes mathématiques de philosophie naturelle
1687, C. DARWIN ( 1809-1882 )
De l'origine des espèces par voie de sélection naturelle 1859
Ce processus de transformation est en particulier le fruit de
sous-cultures et de contre-cultures qui vont mettre à mal, l'inertie de la
culture dominante ( d'où l'utilisation d'arguments réactionnaires : cf. A.O
HIRSCHMAN 2 siècles de rhétorique réactionnaire ). Selon Serge
MOSCOVICI, la modification des normes peut-être le produit de la lutte de
certaines minorités qui secouent le conformisme de la majorité. Une minorité
active est un ensemble de personnes qui refuse de partager les valeurs ou
les normes dominantes et qui s'organise afin d'en imposer la transformation à
la majorité ( minorité homosexuelle et le PACS ( Pacte Civil de
Solidarité )).
Travail sur le
constat et le jugement de valeurs : sont-ils dissociables ?? Retour sur M.
WEBER
Cf.
connotation des termes : évolution, involution, évolution régressive,
Progrès, décadence, changements, ...
Exercice
de synthèse : travail sur les statistiques de la délinquance et de la
criminalité.
Quel sens donner aux chiffres ? Cf. Le chiffre noir de la délinquance et
les enquêtes de victimation ou "victimisation".
La société n'est toujours pas un paradis, cependant sans socialisation et contrôle social perfectibles par essence, la vie en société serait un chaos : car en l'absence de règles communes, l'interaction est impossible ou violente.
Réflexion
finale sur le débat philosophique sous-jacent : l'homme est-il bon ou
mauvais par nature ??
S'il est bon par nature,
alors c'est la société qui le corrompt.
S'il est mauvais par
nature, alors c'est la norme qui le sauve.
Réflexion sur les théories de base de l'économie politique ( en particulier libérale ) dans leurs visions des passions et de la norme : P. de BOISGUILBERT ( 1646-1714 ) et le jansénisme, B. de MANDEVILLE ( 1670 ? - 1733 ), A. SMITH ( 1723-1790 )...
Cf. La leçon de B. de MANDEVILLE "La possibilité de gagner de l'argent et de constituer une fortune peut canaliser certains penchants dangereux de la nature humaine dans une voie où ils sont relativement inoffensifs".
"
ce que nous appelons le mal…est le grand principe qui fait de nous des créatures
sociales, le fondement solide, la vie, le support de tous les commerces et de
tous les emplois…et au moment où le mal disparaît, la société est nécessairement
altérée, si elle n'est pas complètement détruite ( The fable I p
369 )": "les vices privés(1) peuvent être
convertis en bénéfices publics" "grâce aux manipulations habiles
d'un politicien avisé"
B. de MANDEVILLE La
fable des abeilles ou les vices privés font le bien public 1714
(1) c'est
à dire les
vices poussant à la consommation , encourageant
les dépenses et stimulant l'activité économique tels que l'orgueil,
l'ambition, le luxe, l'envie, l'ostentation…etc ; les autres vices étant des
crimes.
"Il vaut
mieux que l'homme exerce son despotisme sur son compte en banque que sur ses
concitoyens"
J-M. KEYNES
- BAUER. A et RAUFER.
X Violences et insécurité
urbaines (1998 )
Que sais-je ? PUF
4è Ed fév. 2000
- BECKER. H
Outsiders
1963
- BOUDON. R et BOURRICAUD. F Dictionnaire
critique de la sociologie
1994 PUF
- CROZIER. M
Le phénomène bureaucratique
1967
- ETIENNE. J et alii Dictionnaire
de sociologie
1997
Hatier
- GOFFMAN. E
Asiles
1961
Stigmates
1963
-
LALLEMENT. M Histoire
des idées sociologiques Tomes 1 et 2
1994 Nathan
- LALLEMENT. J
"Economie politique et morale : L'héritage de Mandeville"
In Economies et sociétés série Oeconomia Histoire de la
pensée économique
PE N°18
12/1993 pp. 11-31
- WACQUANT. L Les prisons de la misère
Raisons d'agir 1999
A. MEUNIER © Copyright. Tous droits réservés